École normale Jacques-Cartier

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Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la profession d’enseignant au Bas-Canada est mal encadrée et les maîtres trop peu préparés à la lourde tâche qui les attends. Cependant, en 1857, un an après la création du Conseil de l’instruction publique, les premières écoles normales font leur apparition au Québec pour offrir une formation de qualité aux futurs professeurs. À Montréal, deux d’entre-elles ouvrent leurs portes : McGill pour les anglophones et Jacques Cartier pour les francophones. Cette dernière n’accueille toutefois que les garçons. Il faut attendre 1899 pour voir la section féminine ouvrir ses portes; elle est dirigée par les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Le but des écoles normales francophones est de préparer les futurs professeurs à enseigner le programme des écoles catholiques de la province de Québec.

D’abord installée au Château Ramezay, l’École normale Jacques-Cartier prend la direction, en 1879, de la ferme Logan, futur site du parc Lafontaine. Situé sur la rue Sherbrooke, l’imposant édifice de style gothique anglais est l’œuvre de l’architecte Adolphe Lévesque. Malheureusement, un incendie ravage entièrement l’immeuble en 1948. Un nouveau bâtiment est aussitôt reconstruit sur le même site et la nouvelle école est inaugurée en 1952. En 1969, lors de l’intégration de l’École à l’Université du Québec à Montréal, l'édifice devient le pavillon Lafontaine et accueille la Faculté des sciences de l’éducation pendant près de 25 ans jusqu’à son déménagement dans le pavillon Paul-Gérin-Lajoie, au coin des rue Saint-Denis et René-Lévesque en 1993. La Ville de Montréal acquiert par la suite l’immeuble de l’ancienne école Jacques-Cartier.

La formation des maîtres

Jusqu’en 1957, les écoles normales catholiques sont indépendantes des écoles universitaires de pédagogie. L'absence de coordination entre les deux institutions dans la formation des enseignants entraîne de graves inconvénients. En effet, l’université ne reconnait pas les études des diplômés des écoles normales et les commissions scolaires n’engagent, dans la mesure du possible, aucun diplômé des écoles universitaires de pédagogie. Une entente aboutie finalement entre les deux institutions et règle, d’une certaine façon, la question des diplômes. Cependant, la situation devient vite ingérable et des changements urgents s’imposent dans le système de l’éducation. Suite à la Commission Parent, le rapport recommande non seulement de confier, autant que possible, aux mêmes institutions la formation des maîtres des deux niveaux, élémentaire et secondaire, mais que l’encadrement des futurs enseignants soit dorénavant la responsabilité des universités et de leurs facultés de sciences de l’éducation. C’est ainsi que la plupart des écoles normales ferment leurs portes entre 1965 et 1970, dont l’École normale Jacques-Cartier qui est intégrée l’UQAM en 1969.

«L’affaire Guérin»

L’École normale Jacques-Cartier n’est pas seulement célèbre pour être l’une des écoles constituantes de l’UQAM, elle l’est aussi pour la controverse survenue entre sa direction et le professeur Marc-Aimé Guérin au début des années 1960, mieux connu sous «l’affaire Guérin». La direction de l’école reprochait à l’enseignant quelques retards et absences non motivées, une tenue vestimentaire négligée, des livres en retard à la bibliothèque, un manque d’encadrement de quelques élèves et, qu’en raison de ses manquements, elle se devait de le surveiller de très près et de lui imposer des mesures disciplinaires si sa conduite faisait toujours défaut. Au final, un rapport est déposé contre Guérin et il se voit dans l’obligation de démissionner. Or, il s’avère que c'est plutôt l'attitude du professeur et son refus de se plier aux exigences qui sont à l’origine du litige. L’affaire prend une toute autre tournure quand cinq professeurs de l’École font parvenir une requête, qualifiée de manifeste, au Comité catholique du Conseil de l’instruction publique et au surintendant du Département de l’instruction publique déclarant que le rapport déposé contre Guérin ne justifie pas sa suspension. Par ailleurs, les signataires de la requête ne se contentent pas de prendre la défense du professeur Guérin, ils remettent en question la gestion et l'organisation pédagogique de l'École normale Jacques-Cartier et, par conséquent, tout le système de la formation des maîtres au Québec.

Le conflit devient rapidement public et le battage médiatique entourant l’affaire ainsi que le malaise créé au sein de l’institution amène le Comité catholique du Conseil de l’instruction publique à adopter, en décembre 1961, une résolution en vue de constituer une commission spéciale pour enquêter sur la situation à l’École normale Jacques-Cartier. Dans son rapport, la Commission formule plusieurs recommandations et suggestions en vue d’assainir les relations entre la direction, le corps professoral et les étudiants ainsi que pour améliorer l’organisation et le fonctionnement de l’École. En somme, la suspension d’un professeur lié à une simple affaire de comportement à provoqué tout un émoi à l’échelle de la province et a remis en question la formation des maîtres au sein du système québécois d’éducation.